jeudi 19 janvier 2012

La yourte mongole, un espace de vie chargé de symboles

J'entretiens comme rêve de traverser la Mongolie à cheval, coûteux et aventureux, ce rêve n'est pour le moment pas accompli, mais je m'intéresse énormément aux us et coutumes mongols. Je voulais vous faire partager les symboles qui entourent l'habitat des mongols - la yourte, appelée « ger » - et qui ne cessent de me ravir.
Voici le fruit de la compilation de mes recherches.

Symbolique de la structure physique de la yourte 

La yourte symbolise le lien avec le paradis, avec l’axe du passé-présent-futur qui la traverse. 


La coupole ne sert pas uniquement de clé de voûte assurant la solidité de l'ensemble de la yourte. Elle représente surtout le lieu des échanges entre les mondes divin et humain, à l'instar de la fontanelle qui, se trouvant au sommet du crâne humain, est le lieu d'où s'échappe l'âme.
Enfin, l'ouverture de la coupole ne sert pas seulement à laisser s'échapper la fumée du foyer ou « toono », elle permet aux esprits de circuler entre la yourte et le monde. Quant aux piliers ou « baganas » qui soutiennent la coupole, ils relient symboliquement les mondes humain et divin.

La porte est plus qu'une entrée, elle est un véritable palier symbolique qui délimite deux espaces : le monde extérieur à la yourte où les manquements à l'étiquette sont tolérés et le monde intérieur de la yourte où ces manquements ne sont plus autorisés.

Les lits sont placés sur chaque côté de la yourte, au nord de l'espace réservé au stockage. Les objets de valeur de la famille sont gardés au fond de la yourte, partie associée au respect. Chaque famille possède un ou plusieurs coffres en bois dans le fond de leur yourte. Les vêtements, l'argent, et les autres articles de valeur y sont rangés dedans, et les icônes religieuses, les livres, les photographies de la famille, etc., sont exposés au-dessus. 

Il ne faut pas passer entre le feu et l'arrière de la ger car ce sont les deux parties les plus sacrées de la yourte ; les nomades croient qu'une ligne d'énergie passe entre ces deux points, et il ne faut pas la rompre. Tout visiteur doit donc entrer et sortir du même côté. 







Dans son intérieur, la yourte est découpée en douze espaces égaux correspondant à l'organisation du zodiaque chinois (douze animaux associé chacun à un couple d'heures). Les individus se placent donc dans la yourte en fonction d'un code horaire précis. 


Le point de rencontre des deux mondes se situe à l’horizon, du même nom que le point de contact de la yourte avec le sol (« khayaa »: horizon). 






Symbolique des couleurs 

Le rouge y domine, rehaussé de motifs dorés, c'est une réminiscence de la dynastie mandchoue qui régna plusieurs siècles sur la Mongolie. 


Les draps de protection qui protègent les feutres sont depuis le début du XXe siècle recouverts d’incrustations bleues que les bouddhistes associent à la sagesse transcendante. Pour la tradition mongole, le bleu est la couleur divine. Dieu ou «tengri» est associé à la couleur du ciel (bleu). De son union avec la terre (fauve) naissent les héros de la steppe : Genghis Khan est ainsi le fils du loup bleu et de la biche fauve.


Structure sociale au sein d’une yourte 

La yourte est divisée en deux parties correspondant à deux espaces sexués, à l'ouest se tiennent les hommes, et à l'est les femmes. Ainsi, tous les ustensiles associés aux activités masculines - y compris le sac à airag (lait fermenté de jument), les selles, les fers rouges et le fusil de chasse - sont gardés sur la gauche de la maison, près de la porte, pendant que les outils de travail des femmes - ustensiles de cuisine, les barils d'eau, et la théière - sont gardés à la droite de l'entrée. 

La yourte est toujours orientée au Sud. Son axe central est le feu, matérialisé par le poêle placé entre les deux piliers. Plus on est prêt de la porte, moins l'espace est valorisé ; mais plus on pénètre au fond de la yourte, plus l'espace est valorisé. Il ne faut pas marcher ou s'asseoir au nord d'une personne plus âgée que soi. Bien que les Mongols adhèrent moins rigidement aux valeurs confucianistes que d'autres peuples asiatiques, les aînées se voient traditionnellement accordés un considérable respect. Ainsi, dans toutes les yourtes, la place d'honneur, réservée par ordre de priorité à l'hôte, au plus âgé ou au chef de famille, fait face à la porte, au fond de la yourte, près de l'autel des ancêtres et des idoles protectrices. 

Les plus jeunes se placent près de la porte tandis que les femmes se tiennent généralement à l'est, où se trouvent les ustensiles ménagers. 

De sa naissance à sa vieillesse, l'homme parcourt les âges de la vie et symboliquement toutes les étapes d'un cycle, de la porte quand il est jeune au fond de la yourte quand il est vieux. La femme quant à elle, ne pourra prendre place au fond de la yourte que si elle est veuve ou, du vivant de son mari, que si elle est chamanesse. 

Hospitalité envers les visiteurs 

Il ne faut pas amener des armes dans le foyer. Avant d'entrer dans la maison, le visiteur doit retirer son couteau de sa ceinture et le pendre à la vue de tous, indiquant ainsi ses intentions amicales. 

D'autres coutumes gouvernent la manière de recevoir les invités. Les Mongols montrent généralement un grand respect aux visiteurs, et accueilleront n'importe qui chez eux sans rendez-vous au préalable. 

Quand un visiteur arrive il doit appeler « nokhoi khor ! » ce qui signifie « Tenez votre chien » et cela qu'il y ait ou non un chien. Quelqu'un de la famille sortira alors de la yourte et vous invitera à rentrer. 

Les trois principaux types de réception sont tsailaga, budaalaga, et dailaga ; littéralement offrir du thé, offrir du riz et offrir le dîner. La coutume de tsailaga est la plus répandue, et est suivie lorsqu'une personne offre respectueusement le thé à son visiteur, parent ou ami ; lorsqu'une famille nomade vient de s'installer et souhaite rencontrer ses nouveaux voisins ou lors de n'importe quelle vacance. Budaalaga et dailaga sont similaires mais montre un plus grand respect pour le visiteur. 

Pour se préserver des esprits, l'hôte ouvre une bouteille de vodka, en verse une rasade dans un verre, puis y trempe le doigt pour jeter, en offrande à la nature, quelques gouttes du breuvage aux quatre points cardinaux. Puis, il propose le verre aux invités qui chacun à leur tour en boivent une gorgée. Refuser cet honneur est très mal vu et une bouteille de vodka ouverte doit être terminée. 

En tant que visiteurs prenez garde à ne pas : 

· Laisser un poteau ou une palissade vous séparer si vous marchez avec un Mongol. 

· Siffler si vous êtes à l’intérieur. 
· Pointer vos pieds vers le nord (opposé de l’entrée) si vous êtes assis dans une ger. 
· Tourner le dos aux objets religieux et aux photographies du fond de la ger. 
· Toucher le couvre-chef de quelqu’un d’autre. 
· Prendre de la nourriture d’un plat avec votre main gauche. 
· Agiter vos manches (marque de protestation) ou lever le petit doigt (injure). 
Et respectez ces règles: 

· Garder votre chapeau lorsque vous entrez, mais soulevez-le légèrement en signe de salutation. 

· Recevoir les choses de la main droite ou des deux mains et s’assurer que vos manches sont entièrement déroulées. 
· Enlever vos gants lorsque vous saluer quelqu’un
· Se saisir des choses avec la main droite, la paume vers le haut. 
· Vous asseoir en tailleur. 
Les tabous 

Dans la yourte mongole, la vie est rythmée par la tradition, et de nombreuses règles et tabous gouvernent les comportements domestiques. 

Les tabous les plus fréquents sont de : 

  • S'adosser ou passer entre les poteaux de la yourte. Cette coutume a sans aucun doute des origines très pratiques, mais exprime également le symbolisme des poteaux comme source de force dans la maison ;
  • Marcher sur le seuil. Il est considéré de mauvaise augure de marcher ou trébucher sur le seuil de la yourte en entrant. Les personnes voyageant en Mongolie au Moyen-Age ont rapporté que n'importe qui marchait sur le seuil du palais de Khaan était mis à mort. On doit donc pénétrer dans la yourte toujours du pied droit et ce, sans heurter le seuil ;
  • Il ne faut pas rester debout plus que nécessaire, ni traverser entre les deux piliers centraux ;
  • Étendre ses bras pour toucher les deux côtés du chambranle. La croix devant la porte de la maison est traditionnellement un symbole indiquant qu'une mort est arrivée et que les visiteurs doivent garder leur distance. Toucher les deux côtés du chambranle en étendant ses bras est considéré par conséquent comme un mauvais présage ;
  • Mettre des déchets dans le feu. Le feu étant considéré comme le plus pur des éléments, on ne doit y jeter aucun déchet. Les croyances animistes sont très présentes et il ne faut pas offenser les esprits en jetant par exemple des détritus dans l'âtre central;
  • Mélanger des affaires sales et propres. Les Mongols ont une grande estime pour la propreté, et ils pensent que permettre à des objets sales de toucher des objets propres va contaminer ces derniers. Ainsi, conformément à cette coutume, il est inacceptable, par exemple, de placer des vêtements sales dans le coffre familial ;
  • Marcher dans la ger dans le sens des aiguilles d’une montre. Le «nar zuv», littéralement «la direction de la rotation du soleil» se référent en Mongolie au sens des aiguilles d'une montre. Les Mongols pensent que tout dans l'univers appartient aux cycles du temps et du mouvement, et il est important de se déplacer en harmonie avec ces cycles. Ainsi lorsque l'on rabat le toit de la maison, par l'exemple, on doit marcher dans la yourte dans le sens des aiguilles d'une montre.
Il m'apparaît qu'il ne doit pas être simple d'agir de manière détendue et naturelle dans un tel habitat, comment agir afin de n'enfreindre aucune règle...peut être un jour pourrais-je vous faire le récit de tous les tabous que j'ai brisé en Mongolie :), Inch'Allah!!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire